Mon premier Event WSOP

24 août 2011 at 20:37 (Compte-Rendus)

Même si cela remonte à près de deux mois maintenant, voici le compte-rendu du premier event WSOP que j’ai eu l’occasion de disputer à Vegas début juillet, juste avant de travailler sur le Coverage du Main Event pour Club Poker. N’hésitez pas à commenter cette belle expérience du côté des « joueurs ».

Event #56 des WSOP

A Vegas depuis quelques jours, j’ai déjà pris un malin plaisir à tâter du jeton en attendant l’événement Main Event. Faut bien profiter d’être à Vegas pour gambler un peu. Après deux ou trois bonnes sessions de cash game, je décide de m’inscrire sur un petit side à 235$ où je sauterais tout simplement à la bulle, QQ < K8o. Bien dégoûté d’avoir joué plus de huit heures pour rien sur un Deepstack où il y avait tout de même 45k à la gagne, je décidais de participer à l’Event #56 des World Series of Poker, un 1,5k NLH, ma dernière chance de participer à une épreuve prestigieuse.

Ne croyez pas que je suis devenu un balla à Vegas, j’étais stacké par plusieurs amis qui ont jugé bon de mettre un petit billet sur un gros nit comme moi. Bref, j’étais à la fois ravi de prendre part à ce tournoi et de me mêler à la faune des joueurs de poker en manque d’adrénaline pré-main, mais surtout terrorisé. Curieusement, j’ai plutôt bien dormi avant ce Jour 1 et j’ai même évité le jetlag depuis mon arrivée à Vegas. Run good, sans doute.

Mardi 11h55 heure locale, je m’assois à la table 159 de la Pavillon Room. Je découvre petit à petit les joueurs avec qui je vais partager ce petit bout de rêve. Espérons que cela ne se transforme pas en cauchemar trop vite ! Lorsque je parlais de mon éventuelle participation à ce tournoi, des collègues couvreurs m’incitaient à aller plutôt jouer des Deepstack, sachant que ces petits tournois des WSOP sont des boucheries. Finalement, la structure n’est pas si dégueulasse. Certes, on n’a que 4 500 jetons de départ, mais les niveaux durent une heure et on joue tous les paliers. Bref, à part si on perd un ou deux gros coups d’entrée, c’est clairement jouable.

Tandis que je vois mes futurs adversaires s’asseoir à la table, je découvre Tom Dwan qui erre à quelques mètres. Je commence à avoir une petite angoisse : celle de le voir s’asseoir à la table. En fait, à ce moment-là, je sais pas si je serai content de jouer avec lui ou juste horrifié. Je ne le saurais jamais puisqu’il prend finalement place sur la table juste derrière la mienne.

Le tournament director annonce en anglais le début du tournoi. On y est, plus possible de reculer. Je suis sur un event des WSOP avec plus de 700k à la gagne et 3 389 joueurs et je me retiens de trembler en retournant mes premières cartes. :6d :7h. Ouf, en bon nit, j’espérais presque ne pas tomber sur une main jouable. Ca tombe bien, je fold.

Blindes 25/25 – 4 500

Je joue ensuite les deux mains suivantes, avec   et   où j’abandonne sur des flops que je ne touche pas, dans des multiways. Puis, je reçois   la quatrième main lors que je suis de petite blinde. Un joueur dont je ne sais pour l’instant rien relance à 125 (cinq blindes, quand même). Je fais 325 avec mes cowboys et il paye assez vite. Sur le flop   , je c-bet à 450 et il me relance quasi-instantanément à 900. Ok, je suis déjà dans la merde, avec une décision difficile. Je me demande déjà si je vais être le premier joueur à sauter en revérifiant mes cartes. J’ai pas le roi de carreau. Me sentant déjà probablement battu, je décide tout de même de payer, au cas où l’action ralentirait sur la turn. J’avoue que j’hésite vraiment à go broke sur ce flop, mais ça me semble plutôt spewy à ce niveau du tournoi et avec tout de même 180 blindes devant moi. La turn est un  qui complète la flush. Je checke et il me fait 1 500. Bon, beh là, on y est, si je shove, je serai toujours payé et je peux bust là-dessus. Je préfère préserver mes jetons pour un meilleur spot et folde donc ma main.

Là, ça se bouscule dans ma tête. « Tu te fais marcher dessus ! », « Pourquoi t’as fait ce tournoi ? »,  « Pourquoi tu continues pas plutôt à jouer tes 50€ sur Winamax ? ». Bref, je connais une sorte de crise de confiance et me sens pas trop à l’aise. Je tombe à 3k après ce coup, j’ai donc perdu un tiers de mon stack en dix minutes. Bon début !

Quinze minutes plus tard, alors que j’ai perdu encore quelques pions en payant des relances et en ratant des flops, je décide de call avec   au cut-off après une relance à 100 en early, payée une fois. Là, la grosse blinde, un jeune joueur que je considérais déjà comme le meilleur joueur à table (après moi, obv ! non, je déconne), squeeze à 375. Les deux premiers joueurs passent et je décide de compléter, tout en sachant que c’est un peu close pour setminer.

Parfois, quand on fait de légères erreurs, on est récompensé. C’est comme ça que j’ai vu le flop   se retourner sous mes yeux. Moment magique où je suis persuadé que je vais doubler. Le squeezeur c-bet alors à 600. Avec 2 400 de stack, j’hésite à seulement payer mais, le sentant très fort, j’opte finalement pour un min-raise à 1 200, histoire de l’inciter à tout mettre au milieu. Le plan marche à merveille puisqu’il pousse alors son tapis. Je snap évidemment avec mon brelan et il retourne  . Je passe donc à 5 600 après ce coup et retrouve soudainement une réelle envie de jouer. Je suis clairement heureux d’être là, j’ai de nouveaux de quoi jouer et j’envisage l’avenir du tournoi sereinement.

Blindes 25/50 – 5 600

Au hi-jack, je découvre   et décide de relancer à 125 sur 25/50. Je suis payé par le bon joueur sur lequel j’ai doublé au bouton ainsi que par la petite blinde, un joueur avec un bob sur la tête, à qui j’ai déjà mis une pastille verte sur la tête (bref, vous devez voir à quoi cela correspond). Je trouve un flop   somme toute correcte. Je c-bet petit, à 175 et suis payé uniquement par le fish en petite blinde. Il check-call à nouveau sur la turn  pour 325 cette fois. La river  n’est pas vraiment la carte que j’espérais voir tomber, d’autant que mon adversaire décide alors d’insta-donk-bet à 1k. Je tanke un peu, je sais plus très bien ce que je bats mais me level tout seul en me disant qu’il peut faire ça avec un petit as ou un valet. Bref, j’envoie mon jeton jaune de 1k au milieu et il retourne   pour full trouvé à la turn. Je descends à 3 800 après ce coup, rien de dramatique mais la confiance en prend un coup, d’autant que je regrette un peu ce call un peu borderline.

Deux ou trois mains plus tard, je relance  en milieu de parole et me fait payer par le même joueur. J’espère bien trouver un nouveau set, en bon roi du brelan que je suis en cash game. Le flop    me fait plus que rêver, même si je me demande clairement comment extraire de la value de cette main. Je décide de checker, sachant que ce n’est clairement pas le genre de joueur qui va me float avec deux overcards. Je préfère qu’il touche un petit quelque chose pour l’amener à mettre des jetons au milieu. Bon, il checke aussi. Carte magique sur la turn, le , dont je n’avais pas vraiment besoin, mais bon, je mise tout petit, en espérant qu’il va tenter quelque chose mais ça passe. Un carré pas très bien rentabilisé en tout cas, mais de bonne augure pour la suite. Si on run good comme ça, y a peut-être une chance de monter quelques pions !

Blindes 50/100 – 4 000

De retour du premier break, j’ai quarante blindes devant moi. Le temps d’écouter l’hymne américain pour célébrer le bracelet de la veille et c’est reparti pour un nouveau level d’une heure. La table s’écrème petit à petit. Malheureusement, ce sont surtout des fishs qui nous quittent, remplacés par quelques joueurs décents. Après deux ou trois petits pots perdus, je relance under the gun avec   à 250. Un jeune joueur américain qui ressemble à Ziigmund paye en petite blinde. Sur le flop   , je c-bet à 325 et il me check-raise à 750. Pas nécessairement convaincu qu’il a touché son as, je décide néanmoins de sagement folder et tombe à 3,1k, me disant dans ma tête « T’es bien weak mon tapis ! ».

Ensuite, un jeune allemand qui porte un sweat à capuche, et qui s’avèrera être Pius Heinz (futur November Nine), relance UTG+1 à 325. Je découvre en milieu de parole, hésite à 3-bet shove puis prend l’option call, en me disant que j’ai trop pour tout pousser au milieu. Je folde sur le c-bet de l’allemand sur le flop et tombe à 2,7k.

Pius Heinz (futur November Nine)

Pour parler un peu de ce joueur allemand que j’ai retrouvé à partir du Jour 5 sur le coverage du Main Event, il m’a fait clairement une bonne impression à la table, mais je ne vous cache pas que le voir faire partie des neuf élus de Main a été une sacrée surprise pour moi. Bon, j’ai pas l’impression d’avoir joué avec une star non plus, mais c’est assez jouissif de se dire qu’on a partagé une table avec un des futurs November Nine. Bref, revenons à nos jetons !

Blindes 75/150 – 2 600

A nouveau, je suis en perte totale de confiance. J’ai moins de vingt blindes et je pressens la fin toute proche. Je passe en mode autiste en plaçant mon super casque Beats sur mes oreilles (bon, ok, juste des pauvres écouteurs iPhone !). D’habitude, j’écoute tout le temps la même chanson quand j’ai besoin de me reconcentrer, une chanson de The Xx mais là, bad beat ultime, je l’ai plus sur mon iPhone, je me contente d’une chanson des Kills censée me donner un peu de punch pour m’accrocher à mon petit tapis.

C’est alors que je découvre à nouveau , cette fois under the gun après avoir perdu quelques pions la main d’avant.

Je relance à 350 et me fait payer uniquement par un joueur que j’estime assez mauvais en grosse blinde. Sur le flop , j’envoie un gros c-bet à 600 que mon adversaire décide de payer assez rapidement. Sur la turn , j’envisage de check-back mais pousse finalement mon tapis de 1 300, estimant que ce joueur très calling station pourrait bien me payer avec un 9 ou une middle paire. Finalement, il folde et je me contente de ce pot qui me fait passer à 3,3k.

Peu de temps après, contre le même joueur, je 3-bet KK de petite blinde suite à une relance de sa part au bouton. Je c-bet pas cher sur un flop 44J et il folde, me faisant grimper à 4,3k au deuxième break du tournoi.

Bon, premier bilan, c’est pas terrible vu que j’ai commencé avec 4 500 jetons mais je suis déjà content d’être toujours en vie, d’avoir su rester patient et ne pas craquer. Maintenant, il va falloir monter des jetons !

Blindes 100/200 – 4 300

A la reprise, va se produire une main que je ne suis pas prêt d’oublier. C’est le sosie de Jason Mercier qui va me dealer cette main magique. Tout commence par un limp du joueur UTG, je vois deux gars limper derrière lui et regarde discrètement ma main avant mon tour de parole. Je suis de grosse blinde et possède . Et là, je commence à me dire que ce serait pas mal de pouvoir découvrir un flop magique gratuitement. Curieusement, ça doit être une des premières fois que personne ne relance depuis le début de la partie et je peux donc voir Jason Mercier retourner un flop gratuit. Et là, c’est l’érection instantanée, il retourne le flop inespéré . Je mets deux ou trois secondes à croire à ce qui m’arrive. Je viens juste de flopper quinte flush. Bon, maintenant, je ne sais pas comment je vais pouvoir rentabiliser cette main. Après avoir hésité à bet, je prends l’option slowplay en checkant. Malheureusement, personne n’a l’air intéressé par ce flop et tout le monde checke. Sur le à la turn, je fais une nouvelle tentative de slowplay en me disant qu’il y a bien un gars qui va miser sur l’as. Encore raté ! Décidément, je vais gagner la palme du joueur qui rentabilise le plus mal sa quinte flush ! La river apporte un et je me décide enfin à miser. Je fais assez petit, 525 dans un pot de 1 000. Je suis payé uniquement par mon voisin de gauche, un joueur handicapé que j’avais plutôt catalogué dans les bons joueurs de cette table. Il révèle :5d :5h pour quinte trouvée à la river et découvre avec le sourire ma main, s’en voulant d’avoir mal joué le coup. Il n’est pas le seul. J’ai probablement raté pas mal de value contre lui mais j’avoue que je ne savais pas trop quelle était la meilleur line pour extraire de l’argent de cette quinte flush. Quoiqu’il en soit, je remonte à 5,4k.

Quelques mains plus tard, je paye une relance à 500 de Ziigmund en milieu de parole avec . Sur le flop , il propose 600. Je relance à 1 600 et il me réclame quasiment instantanément mon tapis (3 300 de plus). Je snap et il retourne . Je double après que le croupier ait retourné une turn et une river inoffensives.

Je ne vous cache pas que pour la première fois à tapis dans ce tournoi, j’ai bien tremblé au moment de la turn et de la river, pas vraiment prêt à subir un suckout. J’étais plutôt soulagé d’en sortir vivant.

Un petit squeeze plus tard, et j’aborde la période des antes avec un stack de 11,5k, enfin confiant dans ce tournoi. Je dis pas que je commence à penser au bracelet, mais presque !

Blindes 100/200/25 – 11 500

Vers la fin du niveau, alors que je me suis montré très tight, le même joueur contre lequel j’ai doublé avec les valets relance à 525 au Hi-jack. je découvre de petite blinde et 3-bet à 1 325. Assez confiant, il place alors un 4-bet à 3 325. Là, dans ma tête, je me dis que je vais quand même pas faire mon tapis_volant et 3bet/fold AK, d’autant que j’ai affaire à un joueur assez aggro. Je pousse alors logiquement mon tapis pour un peu plus de 10k et il snap fold en soupirant. J’aurais aimé lui montrer un 2 mais bon, peut-être la prochaine fois ?

On dirait bien que j’ai atteint le dinner-break. Je compte mes jetons avant de me rendre à la délicieuse (sick !) Poker Kitchen. J’ai 13k à la pause.

Dinner-Break

Ca fait tout bizarre de se retrouver à la pause-dîner du côté des joueurs. Je mange avec quelques joueurs du clan français, Lynch, Proscoo, Choop, Remy Biechel et  Renaud123 pour ne pas les citer. Certains ont déjà busté, d’autres sont encore en course dans l’event. Evidemment, on ne parle pas de legos techniques ou de pelote basque, mais la discussion tourne autour des différents coups joués. Je suis tout content de pouvoir enfin saouler les autres avec des histoires de coups que l’on raconte 68 fois dans la journée. Je parle du fait que j’ai que 13k alors que j’ai touché carré et quinte flush.

Ils ont tous l’air étonnés de me voir encore là. Oh les méchants, je suis sûr qu’ils voulaient que je bust premier niveau AA vs KK ! Bon, je suis sûr que vous vous demandez ce que j’ai pris comme repas équilibré dans cette Kitchen. Beh, une salade ! On choisit ses ingrédients pour composer une salade à la carte. Mais les américains sont très forts, ils arrivent à te faire manger une salade qui te donne l’impression d’avoir pris trois kilos instantanément. Bon, revenons au Poker. Maintenant que j’ai atteint le dinner-break, et si j’essayais d’atteindre la fin de journée ? Nouvel objectif.

Blindes 150/300/50 – 13 000

Sans doute en raison de la digestion, je ne joue quasiment pas un coup au cours de ce niveau. Card dead, aucun spot. Bref, un vrai désert pendant une heure sur lequel je ne trouve aucune main à raconter dans mes notes.

Blindes 200/400/50 – 10 000

Mon voisin de droite saute assez vite et qui vient le remplacer : Damien « Lynch » Rony ! Pas la meilleure nouvelle de la journée, même si ça a le mérite de nous faire marrer tous les deux. Quelle est la probabilité de se retrouver côte à côte dans ce tournoi, alors qu’il reste environ 800 joueurs en course ?

Bon, ça aura été un passage éclair pour Damien puisqu’il shove au bouton pour 11 blindes sur la première main qu’il joue à la table. Je prie pour ne pas trouver une main pour le payer. Je folde une bonne grosse poubelle mais la grosse blinde se réveille avec JJ. Damien retourne KQ et ne parvient pas, pour la première fois de sa vie, à gagner le flip. Il bust donc sur sa première main jouée à ma table.

Je perds alors pas mal de pions contre mon voisin handicapé en bataille de blindes. J’attaque sa blinde à 1k avec et c-bet à 1,2k sur un flop . Il me relance à 3k et je laisse tomber, bien conscient que je n’ai plus trop la place pour ce genre de pertes sèches en jetons. Je passe à 7,4k, à nouveau sous les vingt blindes.

Je regagne quelques jetons contre un débile qui s’est contenté de limper. Avec J8 de grosse blinde, je découvre un flop J high et empoche quelques jetons après avoir misé sur un nouveau J sur la turn.

De petite blinde, je découvre l’orbite d’après avec 22 blindes devant moi. Là, je ne sais pas trop quoi faire. Je me rappelle de discussions que j’ai eu avec quelques représentants de la jeune generation de grinders qui conseillent souvent de shove ici, ce que je vais probablement faire sur un tournoi lambda sur le net (bien que j’en joue très peu, depuis que j’ai découvert le cash game) mais que je n’ose pas faire ici. Scared money, possible ? Bref, je relance à 900 et me fais 3-bet très cher à 3 600 par mon voisin de gauche, l’handicapé. Avec 8 800 au depart de ce coup, je n’ai clairement pas la place pour 4-bet shove ici avec de la fold equity et je me dis que s’il se commit, il a très probablement mieux que moi dans ce spot. Il peut aussi avoir une paire et je serai sur un coin flip, mais bon, la possibilité d’être face un as supérieur me terrorise à tel point que je finis par lâcher la meilleure main que j’ai eu depuis maintenant un bon moment.

Je descends à nouveau sous les vingt blindes et c’est le moment que l’organisation choisit pour casser ma table.

Blindes 300/600/75 – 7500

Alors que je me réjouis de quitter mon sympathique voisin, j’ai la surprise de le retrouver à ma nouvelle table. Sur cette nouvelle table, pas mal de gros stacks. Je salue Claire Renaut qui est assise deux crans à ma droite et possède plus de 30k jetons à ce moment-là.

Face à moi, un joueur qui a l’air complètement bourré éprouve de sérieuses difficultés à prendre ses décisions et à regarder ses cartes quand c’est à son tour de jouer. Claire m’explique qu’il fait n’importe quoi et enchaîne bières sur bières depuis qu’il est à la table.

Prenant le temps d’analyser les forces en présence et ne voyant que des poubelles, mon tapis fond comme neige au soleil. Même si, sur le net, j’ai une fâcheuse tendance à trop attendre avant de tenter de doubler mon tapis, je me suis juré que je ne tomberais pas sous les dix blindes avant de risquer mon tapis pour remonter. Je retourne mes deux cartes cachées avec angoisse en espérant ne pas voir 22 ou 33, les mains que j’ai le plus de mal à “pousser” dans cette zone des 10/15 blindes. Heureusement pour moi, je ne trouve que des mains dégueulasses qui ne me laissent pas trop de regrets au moment de les jeter.

Le premier spot que je trouve intervient lorsque je suis tombé à 11 blindes et découvre  under the gun. Je réfléchis pour la forme mais me decide à metre “tout dedans” avec cette main. Et là, le seul joueur qui semble intéressé se trouve être … l’alcoolique. Je ne sais pas pourquoi mais s’il y a bien un joueur, outre Claire Renaut, dont je n’aimerai pas être la “victime”, c’est bien lui. Il pousse son tapis avec toutes les difficultés du monde et je prie secrètement pour qu’il ne retourne pas une overpaire. Me couvrant de quelques jetons, il dévoile et je vais donc jouer mon premier coin flip du tournoi.

Devant Steven “Gloub” Moreau et Romain “Elpadre” Mahot, venus railbirder (ou se foutre de ma gueule !), je gagne le flip qui me remet en selle puisque je possède désormais 15k et commence à croire que j’ai une petite chance d’atteindre l’ITM. On n’est plus que 650 joueurs pour 342 places payees. On pourrait croire qu’on est loin de l’ITM mais à la vitesse où ça saute, il est certain que l’éclatement de la bulle interviendra dès le premier ou deuxième niveau du jour d’après. Le jour d’après, et oui, j’y pense déjà, j’ai presque envie de me mettre sitout tellement j’aimerais y accéder. Je découvre une nouvelle fois 77 en milieu de parole mais un short-stack avec 10k de stack a poussé son tapis UTG+2. J’envisage la situation mais me résous à folder, pas prêt pour un nouveau coin flip cinq minutes après avoir tremblé comme une feuille pendant l’étalement du board il y a quelques minutes.

Je commence à perdre lentement mais sûrement des jetons à cause des antes de 75 et du passage des blindes quand je vois Claire Renaut ouvrir à 2K UTG. Je retourne mes cartes UTG+2 et décide rapidement de pousser mon stack de 13k avec  , sans doute parce qu’à ce moment-là, je me suis dit que la compagne de “Fabsoul” allait folder quasiment toute sa range. J’avoue que j’ai push sans réellement réfléchir plus que ça. Je me suis dit t’es short-stack, tu peux pas folder AQ ici et ce serait spewy de call. J’aurais sans doute dû prendre plus de temps pour étudier la situation, recompter combien j’avais exactement, envisager que Claire pouvait avoir une range d’open UTG ultra tight, mais bon, j’ai tout mis (comme Clément!).

Si tout le monde a foldé, ce n’est pas le cas de Claire qui s’est fendu d’un petit “désolé” avant de payer avec . Pas au mieux, je n’avais curieusement pas pensé à ce scenario dans ma tête (je devais peut-être penser qu’elle folderait meme les rois, vu que j’étais un couvreur sympa et broke qui a bien besoin d’un itm) Bref, il fallait chatter. Et c’est ce que je fis sur le flop qui fit pousser un petit gémissement à Claire. Whineuse pro, elle devait être bien dégoûtée de me céder un tiers de son stack en perdant ce 70/30 mais, comme si le croupier l’avait entendue, il retourna le sur la river, la faisant se rasseoir un sourire gêné sur le visage, et m’envoyant bouler hors du tournoi.

J’avais du mal à encaisser. Se voir à 30k au moment du flop, étant bien conscient d’avoir chatté comme il fallait et se retrouver out sur la river est une des pires sensations que j’ai vécu lors d’un tournoi. C’était fini, le rêve s’achevait ainsi et, comble de l’ironie, je devais désormais aller à la party organisée en l’honneur de … Fabrice Soulier. Je ne vous cache pas que j’avais pas trop envie d’y aller tant la déception était immense. Je finis aux environs de la 600ème place alors qu’il y avait 342 joueurs payés.

Finalement, puisqu’il fallait bien “boire pour oublier”, je suis quand même allé retrouver le petit monde du poker français réunis dans une villa louée pour fêter les trois bracelets français de Fabrice Soulier, Bertrand Grospellier et Elie Payan. J’y ai retrouvé avec tristesse Claire Renaut qui avait donc atteint le Jour 2 et j’ai pu demander un avis sur la main finale à une trentaine d’invités de la soirée. C’était à mon tour de whiner et de raconter une main à tous les joueurs qui habituellement passent leur vie à me confier leurs coups pendant les coverages.

En fait, je m’en voulais beaucoup de ce move, étant habitué à prendre peu de risques pendant les tournois. J’envisageais tous les scénarios qui auraient pu me permettre de “survivre” et d’accéder au Jour 2 si… Fold, évidemment. Call, j’aurais vu un as et Claire serait partie au flop en whinant sur le fait qu’il y a toujours un as quand elle a les rois. J’étais déçu pour moi, et pour mes stackeurs, l’impression amère d’avoir laissé passer ma chance, d’avoir échoué. Bon, pour me rassurer, la plupart de mes stackeurs, qui étaient présents lors de cette soirée, me disaient globalement tous qu’ils auraient fait pareil. Je savais pas trop si c’était pour être gentil mais bon, ça aidait un peu à faire passer la pilule.

Même si je ne suis pas un fanatique des tournois live, jouer cet event des WSOP a été pour moi une expérience assez incroyable. Je ne regrette pas une seconde d’avoir choisi de m’aligner dans cet event, même si financièrement, c’était probablement ev-, je remercie d’ailleurs tous ceux qui ont eu confiance en moi et m’ont permis d’accéder à ce tournoi (Je ne les cite pas, mais ils se reconnaîtront) Faire partie du monde des joueurs, découvrir ce qu’ils ressentent lors d’un event WSOP, c’était une sensation unique qui, je l’espère, ne sera pas qu’un « one time » !

Tapis_volant (© Steven Moreau)

5 commentaires

  1. steven said,

    Bon au moins si jme broke jpourrais faire reporter poker 🙂 Une belle photo et de face en plus !

    Tres sympa cet article avec la pointe d’humour qui va avec ! C’est vrai que tu l’auras posé cette question du AQ hein 🙂

    GG quand meme ! Une prochaine fois 🙂

  2. D8 said,

    Très sympa ton compte rendu! Il est très franc je trouve. C’est rare les gens qui disent qu’ils balisent
    Ravi de t’avoir re croisé à Cadet, j’avoue que mettais pas un visage devant le ceèbre nom Tapis Volant!
    Et sinon désolé, mais avec un nom de famille pareil je vois pas comment tu peux echapper au statut de fish!

  3. Frouza said,

    Nice, belle plume

  4. aldanjah said,

    sympa ce CR ! on sent bien que cet event a été riche en émotion pour toi 🙂
    petites questions :
    – 1,5k$, ça représente combien de % de BKR ?
    – Claire Renaut -qui est partie avec tes jetons au final- a t’elle fait une bonne perf sur cet event ?

    • vickpocket said,

      J’ai clairement pas la BR pour faire ce genre de tournois, mais là, j’étais stacké à 70%. Claire Renaut a fait une honorable 70ème place, il me semble, pour 4k€ si je me trompe pas.

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